Ludivine : la carrière atypique d’un conjoint suiveur

Pour son 7e article, Orenda raconte la carrière atypique de Ludivine. Une carrière façonnée par le choix de suivre son mari chef de projet scientifique dans ses déplacements. Ludivine nous parle de sa vie de conjoint suiveur et met le doigt sur deux problèmes majeurs : l’âgisme dans le recrutement et le manque de reconnaissance des carrières atypiques.

 Le premier départ

La première fois que Ludivine a suivi son mari, c’était pour l’Espagne. Elle qui, diplômée d’école de commerce, avait travaillé quelques années comme chargée de marketing et communication, puis comme responsable marketing, se retrouvait à devoir tout recommencer.

« À chaque fois, j’ai abandonné mon job et à chaque fois je me suis retrouvée à me dire : qu’est-ce que je peux faire ?! »

Dans un premier temps, elle trouve un job de quelques mois dans l’organisation des championnats du monde d’athlétisme. Elle travaille ensuite dans un cabinet d’avocats. Un travail, où l’ambiance est plutôt désagréable, qu’elle décide d’arrêter au moment de la naissance de son premier enfant.

Ce nouveau statut de mère au foyer, Ludivine ne le vit pas toujours très bien.

« Parfois je me disais, mes parents m’ont payé une école, pour que je me retrouve femme au foyer. Dans des soirées à Séville, il est arrivé qu’on arrête de me parler parce que j’avais répondu : « je m’occupe de mes enfants » à la question « qu’est-ce que tu fais dans la vie ? ». Et autour de moi on me disait : « mais tu as de la chance, tu ne travailles pas, tu restes à la maison ». La non-reconnaissance du travail de mère au foyer m’énerve, c’est une énorme charge mentale. Tu fais le taxi 7 fois par jour, la gestion du budget, les tâches ménagères… »

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Six ans et trois enfants plus tard, le mari de Ludivine est envoyé à Bruxelles. Là-bas, elle met un an pour trouver un emploi.

« La première année à Bruxelles a été difficile. Autant à Séville, j’avais des activités avec d’autres mamans qui ne travaillaient pas, mais à Bruxelles, tout le monde travaille. Les activités ont lieu le soir, mais le soir, c’est le seul moment où tout le monde est à la maison ! »

 Elle finit par trouver un poste de commerciale pour un site internet. Elle est chargée de contacter les sponsors et d’animer la communauté d’un blog pour jeunes mamans.

Mais elle est du genre à s’ennuyer rapidement, Ludivine, lorsqu’elle n’est pas assez stimulée, alors elle quitte cet emploi pour un autre poste de commerciale pour un jobboard.

« Mon objectif était de monter en compétences. Parce que je trouve qu’en école de commerce, on n’apprend pas assez le commerce ! On apprend le marketing, mais on est décalé par rapport au terrain. J’ai fait 6 mois de call center pour ensuite passer à l’animation de la communauté des responsables de jobboards. C’était assez cool. Et puis j’ai commencé à m’ennuyer ! »

Elle trouve alors un travail de PMO (Project Management Officer) dans la banque ING, grâce à une soirée de job dating.

« J’ai dû postuler 10 fois dans cette banque, on ne m’a jamais appelée. J’ai fait une soirée, j’ai parlé avec 5 personnes et j’ai eu 5 offres d’emploi. Quand on voit mon CV, on n’a pas envie de m’embaucher, il y a des trous, des boulots dans lesquels je ne reste pas, je suis responsable marketing, puis je repasse commerciale. Quand j’explique la cohérence, on comprend mieux ! »

Ce travail, qui lui permet de structurer et coordonner des projets, elle l’aime beaucoup. Malheureusement, vient à nouveau le moment de faire ses valises pour suivre son mari. En Italie cette fois.

« Je pleurais beaucoup, parce que j’aimais beaucoup mon job. Si je n’étais pas partie, aujourd’hui, je serais la reine du Product Management ! Traduire les besoins business aux IT, c’est ça qui me fait kiffer ! »

En Italie, elle essaye plusieurs choses. Elle crée un site internet pour mettre en avant les œuvres de femmes au foyer, mais ça ne prend pas, alors elle embraye sur un autre projet. Pendant 1 an et demi, elle représente la marque de créations en voiles de bateau recyclées 727 Sailbags sur le marché italien. Elle fait des salons, démarche des clients, puis finit par fermer son activité.

Après une expérience de téléprospection pour une application de pharmacovigilance, elle crée sa boite pour accompagner les artisans d’art dans leur communication digitale.

« Au départ, je voulais créer une plateforme où ils pouvaient avoir leur site internet, puis j’ai fini par faire moi-même leur site internet et m’occuper de leur communication en freelance. C’est à ce moment-là que j’ai vu l’offre de LiveMentor qui recherchait des mentors Wordpress. J’ai commencé en freelance, et j’ai été embauchée quelques mois plus tard. On était en 2018, et ils proposaient déjà le télétravail total, ce qui était encore rare à l’époque. »

Aujourd’hui, elle est toujours mentor pour 5 formations du catalogue de LiveMentor et a accompagné plus de 650 personnes.

être une femme de 50 ans sur le marché de l’emploi

Si elle a trouvé un emploi stable, qui lui permet de télétravailler depuis l’Italie, Ludivine ne se sent toujours pas à sa place, car elle ne peut pas évoluer vers son poste rêvé : Product Manager.

« J’ai fait un bilan de compétences qui m’a conduit à faire un master en Product Management avec OpenClassRoom pour remettre à jour mes compétences en espérant pouvoir évoluer chez LiveMentor. Malheureusement, ce n’est pas possible. Du coup, en 2021, j’ai fait un burn out. Parce que j’ai 50 ans, des enfants, que je suis en Italie et que mon entreprise me dit « Ludivine, on ne peut pas t’apporter ce que tu veux, cherche ailleurs ».

Pour Ludivine, la carrière des conjoints suiveurs est difficile à comprendre pour les gens qui n’ont pas vécu cette expérience. On multiplie les expériences et donc, les compétences, mais on a un CV à trous et on semble instable. C’est une situation qui la révolte, aussi parce qu’elle touche le plus souvent les femmes.

« La triste réalité, c’est que dans 90 % des cas, le conjoint suiveur est une femme et que dans plus de 50 % des cas, elle arrête son travail. Alors que ce sont des nanas qui ont bac +5 et une carrière de malade, mais en tant que femme, on est souvent obligée de choisir, c’est soit la famille, soit la carrière. Un jour mon mari m’a sorti « j’arrête tout, j’ai envie d’élever des chèvres dans le Larzac. » Je lui ai dit mais mon gars, tu rêves, je n’ai pas sacrifié ma carrière pour que tu abandonnes tout ! Moi, j’ai fait une grosse croix sur mes ambitions pour toi ! Il faut qu’il reconnaisse qu’il a réussi parce que moi j’étais là pour tout le reste : les mômes malades, faire la navette, il n’a jamais eu à quitter le bureau à 17h pour aller à un spectacle d’école ! Quand les deux travaillent, on jongle, lui, il a pu être entièrement dédié à son travail. Derrière quelqu’un qui réussit, il y a quelqu’un qui l’aide. »

Être une femme conjoint suiveur, ce n’est déjà pas facile, mais avoir 50 ans sur le marché de l’emploi, c’est la double peine.

« En plus d’être conjoint suiveur, le problème, je le sais, c’est mon âge. Ce qui me déçoit le plus, c’est que je ne peux même pas défendre mon cas, puisqu’on ne me reçoit pas en entretien. Qu’est-ce qu’ils se disent ? Qu’on est des has been complet à 50 ans ? Qu’on ne peut pas s’intéresser aux nouveaux outils ? »

Lucide sur sa situation, Ludivine ne perd pas l’espoir qu’un recruteur voie ce que sa carrière atypique, ses nombreuses compétences et sa connaissance de différents marchés pourraient apporter dans un poste de Product Manager.

« Ma reconversion m’a aidée à me dire je suis encore valable, l’accompagnement d’entrepreneurs m’a aidé à me dire j’ai des qualités. Mon bilan de compétences m’a aidé à faire mon Master Product Management, un métier où il y a de l’emploi et qui regroupe tout ce que j’aime. Je ne regrette pas grand-chose de mon parcours, mais j’aimerais qu’on y voie la même cohérence que j’y vois et qu’on comprenne qu’à 50 ans, on n’est pas mort ! »

En attendant son poste de rêve, Ludivine ne s’endort pas ! LiveMentor lui a accordé deux mois de congés sans solde en 2024, qui vont lui permettre de partir en Inde, aux côtés de l’organisation Volunteering With India, pour un programme d’autonomisation des femmes.

Le message de LUDIVINE aux lecteurs d’Orenda Raconte

« On a toujours le choix, mais un pas après l’autre ! »

Les livres « déclic » de LUDIVINE

📚 La fatigue émotionnelle et physique des mères, de Violaine Guéritault : « Parce que j’ai réalisé que je n’étais pas seule. C’est un peu comme le post partum ou l’échec dans l’entrepreneuriat, t’as pas beaucoup de littérature là-dessus. Alors quand ça t’arrive, tu te dis que tu n’es pas normal. Ce livre m’a aidé à me dire : je suis normale ! »

📚 Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une, de Raphaëlle Giordano : « Je me suis totalement identifiée ! J’ai 40 ans, qu’est-ce que je peux faire ? Est-ce que j’ai le droit d’être fatiguée ? Comment reprendre pied ? Je pense qu’il faut avoir 40 ans et des enfants pour comprendre ce livre. »

📚 Les 50 exercices des accords toltèques, de Virgile Stanislas Martin : « Depuis que je mets en pratique les accords toltèques, ça gère ma vie ! À chaque fois que je traverse des émotions, je repense aux accords. »

📚 Et tu trouveras le trésor qui dort en toi, de Laurent Gounelle  : « Je l’offre à tout le monde ! Ça te fait réaliser que la force est en toi. En toi, tu as une certaine résilience, il ne faut pas avoir peur de ce que tu es. »

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